« L’architecture, projection de
l’esprit et protection du corps, est le résultat d’un travail de longue durée.
En effet, de la commande à la
réalisation, plusieurs années ou dizaine d’années s’écouleront.
Pourtant, tout ce processus de
fabrication de l’édifice tient sur une rencontre, souvent fulgurante, entre un
concept et un contexte, entre une idée et un lieu.
Ce « grand moment », ce
rendez-vous sensible, n’est qu’émotion.
Les œuvres qui inaugurent la nouvelle
galerie de Denise René s’attachent à mettre en évidence ce « morceau de
liberté » pris au sein du lent processus de l’édification des bâtiments.
Pour ce faire, on a utilisé des
objets du commerce, des éléments issus de l’industrie, des produits finis car
les vaillants artisans qui transformaient et modelaient la matière sur le
chantier ne font plus partie de notre monde contemporain.
Ainsi, au travers d’une collection
de matériaux et de matériels rassemblés sans préméditation, on a puisé ceux qui
constituent l’intervention.
Par toutes les opérations de mise en
relation allant de l’éparpillement, de la tension à la compression, en passant
par la répétition, on détermine le système d’organisation entre les différents
éléments. Cette intervention devient une installation lorsqu’elle est
confrontée à son lieu d’implantation.
Alors s’amplifiera la tension,
s’ajustera la répétition, se calera l’éparpillement, afin que l’échange des
énergies ait lieu, passant de l’environnement au bâtiment et du bâtiment à
l’environnement pour ne plus savoir qui, de l’un ou de l’autre, avait le plus
besoin de cette identité nouvelle.
Ainsi, l’amateur, voyant de loin
l’œuvre, ne distingue qu’un objet posé sur une toile noire. Cette émergence
solitaire change de sens lorsque celui-ci s’approche et découvre sous la toile
la profondeur d’une photo aérienne, puis, avec une attention particulière, la
lecture du lieu s’opère : fleuve, route, morceau de ville, forêt,
montagne, mettant l’objet en situation.
La simplicité que l’on avait cru
voir, le minimalisme que l’on avait cru comprendre, s’évanouissent pour faire
place à un sentiment plus complexe, plus épais, plus ample qui transporte vers
l’incertain et fait coller à notre époque dont l’apparent désordre et
l’incroyable chaos obligent à trouver en nous-mêmes, la force de porter sur le
monde un autre regard. »
Dominique Perrault, le 26 septembre 1991
Présentation simultanée de deux
expositions de Dominique Perrault dans les deux galeries Denise René. « Études
pour la BnF » a été présentée dans la galerie rive gauche et « Concept/Contexte »
dans la galerie rive droite. Cette dernière a été conçue par Perrault, l’exposition marquait donc son inauguration.
Extrait du communiqué de presse
« Inaugurer une nouvelle
galerie de peinture en y exposant un architecte peut surprendre mais ce choix s’inscrit
dans le droit fil de l’Abstraction Géométrique dont ma galerie s’est faite le
lieu de vie depuis sa création.
Dès 1917, le Suprématisme affirmait
sa vision de la peinture et Malevitch traduisait cette aspiration dans ses
architectones. Les autres maîtres du Suprématisme et du Constructivisme tel que
Lissitsky et Tatlin ont élaboré de grands projets architecturaux. Après eux,
les architectes Gropius et Mies van der Rohe ont travaillé en parfaite synergie
intellectuelle avec les peintres et sculpteurs membres comme eux du Bauhaus.
Dès 1918 Auguste Herbin proclamait pour la première fois en France le devenir
architectural de la peinture et sa mission d’intégration. Plus près de nous des
liens étroits s’étaient établis avec Le Corbusier auquel j’ai consacré une
exposition personnelle dès les années 50 et à nouveau en 1971, d’abord à Paris
puis à New York. Des liens tout aussi profonds se sont développés avec d’autres
grands architectes aux quatre coins du globe : Mies van der Rohe aux
U.S.A., C.R. Villanueva au Venezuela, Bertrand Goldberg à Chicago, Marcel
Breuer et I.M. Pei à New York et à Paris, et tant d’autres tels Seidler à
Sydney.
Dominique Perrault appartient à
cette lignée de créateurs qui participent au renouveau de l’architecture en France.
Ses réalisations et projets témoignent à grande échelle de l’intime liaison
entre l’art du peintre et celui du bâtisseur. Il est aussi, et j’en suis fière,
celui qui a conçu la structure et l’espace de la nouvelle galerie Denise René.
Sa vision cinétique et de
transparence faisait de notre rencontre non un accident, une nécessité. »
Denise René, 1991
« Concept/Contexte »
Galerie Denise René, Rive droite,
Paris
11 octobre 1991 – 25 novembre
« Études pour la BnF »
Galerie Denise René, Rive gauche, Paris
11 octobre – 15 novembre 1991